Chèque bancaire : Émission et conditions de validité du chèque
Section 1 – Les différentes fonctions du chèque
§ 1 – Le chèque comme instrument de paiement
La principale fonction du chèque est pour son tireur de servir de moyen de paiement au profit du bénéficiaire.
Certaines dettes supérieures à une somme fixée par décret (3000 euros au jour de la rédaction de cette chronique) ne peuvent pas être payées en espèces. Le paiement par virement ou par chèque est alors obligatoire. Cela s’applique, par exemple, au paiement des salaires.
§ 2 – Le chèque comme instrument de retrait
Une autre fonction du chèque est celle d’instrument de retrait puisqu’en tirant un chèque à son ordre, le titulaire d’un compte peut procéder à un retrait de fonds.
§ 3 – Le chèque comme instrument de crédit
Le chèque est payable à vue et n’est pas, en principe, un instrument de crédit. Toute clause contraire est réputée non écrite.
Toutefois, il existe nécessairement un laps de temps entre le moment où le chèque est physiquement remis au bénéficiaire et son paiement constitué par le débit du compte bancaire. Il convient que la provision du compte bancaire existe à la date du débit, ce qui est en somme constitue un crédit.
Il est d’usage que lorsque le client dépose un chèque, sa banque porte le montant dudit chèque au crédit du compte bancaire de son client sans attendre le paiement effectif par la banque du tireur du chèque, car cela se fait sans préjudice de sa faculté de contre-passer ce montant si le chèque devait s’avérer sans provision suffisante.
§ 4 – Le chèque comme instrument de garantie
Dans la pratique commune, le chèque est souvent utilisé à des fins de garantie.
Le tireur remet un chèque au bénéficiaire, étant convenu entre les parties que ce dernier ne doit porter ce chèque à l’encaissement qu’à la réalisation ou la non-réalisation d’un événement convenu.
Si cette convention extra cambiaire relative à la garantie est validée par la jurisprudence elle constitue à l’évidence un procédé aléatoire et dangereux pour les parties.
Le chèque est susceptible d’être encaissé par le bénéficiaire sans attendre la réalisation ou la non-réalisation de l’événement convenu. Le tireur est alors en droit de rechercher la responsabilité du bénéficiaire qui aurait encaissé un chèque sans cause ou à agir en répétition de l’indû, mais l’aléa juridique et la relative lenteur d’une instance judiciaire commandent assurément d’user du chèque en tant qu’instrument de garantie avec parcimonie et en pleine conscience des risques encourus.
§ 5 – Le chèque comme instrument de preuve
La remise d’un chèque à l’ordre d’une personne constitue une présomption que celle-ci est récipiendaire du montant de la somme inscrite sur le chèque, à titre de paiement d’un service ou d’une obligation.
Le chèque peut servir pour l’emprunteur d’un commencement de preuve d’un prêt qui lui a été consenti par le tireur du chèque. Le tireur lui ne peut se prévaloir de son chèque pour apporter la démonstration qu’il a consenti ce prêt.
Section 2 – Les inconvénients du chèque
Pour l’utilisateur le risque majeur d’un chèque, à l’exception du chèque de banque dont la provision est garantie, réside dans le fait de ne pas être payé si le chèque est sans provision.
Le bénéficiaire risque également de ne pas être payé si le chèque est faux ou falsifié.
Le titulaire de formules de chèques dérobées risque de ne pouvoir obtenir le remboursement d’un chèque payé par le tiré.
L’émetteur d’un chèque qui voit son chèque par la suite falsifié risque lui aussi de ne pas obtenir le remboursement de sommes payées par le tiré.
Section 3 – Les modalités de forme et de fonds de la création et de l’émission d’un chèque
§ 1 – La remise de formules de chèques par le banquier
L’utilisation de formules de chèques libres émanant du tireur n’est pas interdite mais en pratique les chèques sont presque toujours établis sur des formules pré-imprimées.
La remise de telles formules de chèques est facultative pour les banques, pour lesquelles elle constitue un acte susceptible d’engager sa responsabilité. Le banquier a l’obligation de procéder à certaines vérifications avant l’ouverture d’un compte bancaire. Ensuite, pour tout nouveau client, avant de lui remettre un chéquier, il doit interroger la Banque de France afin de vérifier si celui-ci n’est pas frappé d’interdiction d’émettre des chèques.
La décision de refus du banquier de remettre des formules de chèques à un client doit être motivée. La banque ne peut délivrer de formules à une personne faisant l’objet d’une interdiction bancaire ou judiciaire. Dans tous les cas, la banque doit néanmoins remettre des formules permettant d’effectuer des retraits ou d’émettre des chèques certifiés.
§ 2 – Du droit à l’obligation du banquier de demander la restitution des formules de chèques
Sauf abus de droit, le banquier peut demander la restitution des formules de chèques. Il peut en outre exercer ce droit à la clôture d’un compte bancaire.
Ce droit pour le banquier se transforme en revanche en obligation de demander la restitution des chéquiers lorsque son client a émis des chèques sans provision.
§ 3 – Les mentions devant obligatoirement figurer sur un chèque
La dénomination de « chèque » doit être inscrite sur le titre, lequel comporte également mention du mandat pur et simple de payer, généralement sous la formule « payer contre ce chèque non endossable ».
Le chèque comporte ensuite le montant de la somme qui doit être déterminée. Elle peut l’être en lettres et en chiffres. Dans l’hypothèse d’une discordance entre le montant mentionné en lettres et le montant mentionné en chiffres, le chèque vaut pour la somme portée en lettres. Si la somme est portée plusieurs fois, soit en lettres, soit en chiffres, et pour des montants différents, il faut préférer le plus faible des deux montants.
Le nom de la personne qui paye le chèque, c’est-à-dire le tiré, figure obligatoirement sur le chèque.
Le lieu où le paiement doit s’effectuer figure en outre sur le chèque.
La date en jour, mois, année et le lieu de création du chèque figurent sur le titre. Lorsque le chèque ne comporte pas le lieu de sa création, il est considéré comme souscrit au lieu désigné à côté du nom du tireur.
La signature manuscrite du tireur, c’est-à-dire la personne qui émet le chèque, figure enfin sur le titre de paiement.
Le législateur a prévu un régime de suppléance pour certaines mentions, comme le lieu de création du chèque, afin de ne pas faire encourir au titre de paiement la sanction de la nullité. A défaut pour le législateur d’avoir prévu un tel régime de suppléance, le défaut d’une des mentions obligatoires décrites ci-dessus est en effet sanctionné par la nullité du chèque. L’atténuation du principe réside dans le fait qu’un titre incomplet peut être régularisé jusqu’à sa présentation au paiement.
Le caractère erroné de la date n’entraine pas la nullité du chèque mais le tireur encourt une amende.
La fausse signature sera sanctionnée par la nullité du chèque.
La responsabilité de la banque pourra être engagée en cas d’anomalie apparente de la signature.
S’agissant des mentions obligatoires altérées postérieurement à la création du chèque le tiré n’est pas responsable si la falsification n’était pas apparente. S’agissant des altérations apparentes, le tiré engage sa responsabilité, même concernant des mentions non obligatoires du chèque.
La responsabilité du banquier est encourue chaque fois qu’il aura ouvert un compte à l’usurpateur du chèque sans procéder aux vérifications nécessaires.
§ 4 – Les mentions facultatives pouvant figurer sur le chèque
Le chèque dépourvu de bénéficiaire désigné n’est pas nul, il est considéré comme étant au porteur.
Le chèque peut avoir plusieurs bénéficiaires alternatifs ou cumulatifs.
Si les bénéficiaires désignés de manières cumulatives sont deux personnes physiques ou morales différentes le banquier tiré doit solliciter de son client qu’il précise lequel des bénéficiaires il doit payer. Un tel chèque ne peut être encaissé par l’un des deux bénéficiaires qu’avec le consentement des deux bénéficiaires. La banque engage sa responsabilité si elle ne sollicite pas de son client qu’il précise son intention avant de se dessaisir du montant du chèque.
§ 5 – La provision bancaire
La provision est une créance de somme d’argent du tireur contre le tiré. La Cour de cassation ne relève pas la nullité d’un chèque sans provision. Sauf exception, le porteur ne peut obtenir le paiement auprès du tiré. Le tireur quant à lui s’expose à des sanctions.
Le caractère suffisant ou non de la provision d’un chèque s’apprécie tout d’abord par rapport au compte sur lequel le chèque est tiré, peu importe que le tireur possède plusieurs comptes bancaires différents dans cette banque. Le solde positif de son compte constitue la provision du compte en question.
Le caractère suffisant ou non de la provision d’un chèque s’apprécie ensuite par rapport à l’ouverture de crédit qui a pu être consentie par le banquier au client qui tire le chèque.
Le code monétaire et financier impose que la provision existe et soit disponible certes au moment où le chèque est présenté au paiement, mais aussi dès sa création. En pratique, il convient de constater que cette obligation légale est largement privée d’effet. Nous avons eu l’occasion de développer plus avant que le chèque peut être considéré comme un instrument de crédit puisque l’absence de provision n’est pas sanctionnée par la nullité du chèque d’une part et si la provision existe au moment de la présentation du chèque d’autre part alors le chèque est payé à ladite présentation au paiement. Dans cette dernière hypothèse, le tireur n’encourt pas la sanction car celle-ci dépend de son refus de paiement, absent en l’espèce.
La provision est irrévocable. Cela signifie que le tiré doit maintenir la provision sur son compte bancaire jusqu’au paiement du chèque et qu’il lui est interdit de faire opposition au chèque pour un autre motif que ceux prévus par la loi.
Par Maître Thomas Canfin, Docteur en droit, Avocat d'affaires associé au Barreau de Nice, Spécialiste en droit bancaire et boursier, Spécialiste en Droit commercial, des affaires et de la concurrence.