Le constat d’adultère
Dans le cadre d’un mariage, entre l’obligation de fidélité et le divorce pour faute, il n’y a qu’un pas, ou plus exactement trente articles du Code civil.
En effet, l’essence même de la vie conjugale est consacrée par l’article 212 du Code Civil, tandis que la sanction de sa violation est rappelée par l’article 242 du même Code.
Article 212 du Code Civil :
« Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. »
Article 242 du Code Civil :
« Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune ».
Depuis la Loi en date du 26 mai 2004, entrée en vigueur le 1er janvier 2005, il n’est plus possible d’évoquer dans la requête en divorce, au cours de la première période de la procédure, les motifs du divorce.
Cette réforme implique t-elle la fin de la recevabilité des preuves d’adultère ?
L’un des époux peut-il aujourd’hui violer le serment de l’article 212 impunément, sans qu’une preuve puisse lui être opposée, et le divorce prononcé à ses torts exclusifs ?
En d’autres termes, le constat d’adultère est-il un mythe ou une réalité ?
La réponse à cette délicate question nous est apportée d’une part par des dispositions légales et d’autre part par la Jurisprudence.
En effet, les articles 145, 493, et 812 du Code de Procédure Civile, ainsi que l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme, permettent toujours aujourd’hui la désignation d’un Huissier de Justice aux fins de constat d’adultère.
Sur le fondement de ces textes, l’époux ou l’épouse trompé(e) à la possibilité de se constituer une preuve, bénéficiant d’un motif légitime à faire établir l’existence de cet adultère et les circonstances exigeant que la décision du Juge aux fins de constat ne soit pas prise contradictoirement.
Un équilibre procédural est néanmoins assuré par l’autorisation d’un Magistrat qui est, à juste titre, requise pour éviter toute atteinte illicite à la vie privée. (CA Limoges, 1er octobre 1987, Juris-data : 1987-045405).
Aussi, quand bien même, depuis la Loi du 11 juillet 1975, l’adultère n’est plus une cause péremptoire de divorce, il n’en demeure pas moins qu’est tout à fait licite l’établissement d’un constat d’adultère dès lors qu’il est autorisé par le Président du Tribunal de Grande Instance territorialement compétent.
La Jurisprudence admet, en ce sens, que si atteinte à la vie privée, il y a, elle se justifie dès lors qu’il s’agit pour un époux de faire constater une cause de divorce prévue par la loi, dans le cadre d’une procédure en cours, et que le droit à la preuve doit l’emporter sur la protection de la vie privée. (CA Aix en Provence, 3 juillet 2008, RG n° : 08/03998 ; CA Aix en Provence, 2 juin 2010, RG : 10/00522).
En tout état de cause, la Cour de Cassation a précisé que le constat d’adultère autorisé par le Président du Tribunal ne constitue pas une atteinte à la vie privée.
En effet, dès lors qu’il s’agit de prouver une faute conjugale, il serait inadmissible que la protection de la vie privée ait pour but ou conséquence de conférer une immunité quelconque (CA Paris, 6 mai 1977, JCP G 1978 ; II, 18813).
Ainsi, aux termes d’une jurisprudence abondante, l’adultère constitue toujours une faute susceptible d’être retenue par le Juge aux Affaires familiales entraînant le prononcé du divorce aux torts exclusifs de l’époux fautif. (Cass.2ème Civ, 7 avril 1976 ; 1ère Civ, 11 janvier 2005 ; Cour d’Appel de Dijon, 19 décembre 1991 ; et 23 septembre 1997 ; Cour d’Appel de Besançon, 7 septembre 1999 ; Cour d’Appel de Riom, 12 septembre 2000.)
La Cour de Cassation va encore plus loin en admettant comme recevable la preuve d’un adultère obtenu par un rapport de filature d’un enquêteur privé (Cass.1ère Civ, 18 mai 2005 ; n° de pourvoi 04-13745).
En conclusion, le constat d’adultère n’est pas mort, et a encore de beaux jours devant lui.
Par Maître Edith B. TOLEDANO, Avocat associé au Barreau de Nice