E-commerce : les modalités de paiement en ligne
Vendre des sushis dans le restaurant branché du quartier c’est tendance, mais vendre des sushis sur internet c’est réellement surfer sur l’aire du temps ! Le commerce d’aujourd’hui trouve sur le web un mode d’expression sans équivalent ; les notions de distance et de clientèle se trouvent bouleversées par ce nouveau monde marchand numérique.
L’économie marchande en ligne connaît une belle envolée depuis l’essor de l’internet haut débit, en France et partout dans le monde.
Selon les termes de l’article 1369-5 du Code civil, pour que le contrat conclu sous la forme numérique soit valablement conclu, le destinataire de l’offre doit avoir eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total, et de corriger d’éventuelles erreurs, avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation. L’auteur de l’offre doit accuser réception de la commande qui lui a été ainsi adressée, ce sans délai injustifié et par voie électronique. La commande, la confirmation de l’acceptation de l’offre et l’accusé de réception sont considérés comme reçus lorsque les parties auxquelles ils sont adressés peuvent y avoir accès. Dans le langage commun, c’est ce qui est souvent désigné comme la technique du « double clic ».
S’agissant des cartes de paiement, acheter en ligne c’est bien souvent renseigner sons numéro de carte bancaire dans le formulaire idoine, la date d’expiration de validité de la carte mais également le cryptogramme de sécurité à trois chiffres figurant au recto de la carte, sans pour autant qu’il soit nécessaire de renseigner le code secret lié à cette carte.
La directive parlementaire n° 2007/64/CE du 13 novembre 2007 relative les services de paiement dans le marché intérieur a été transposée en droit interne français par l’ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009, afférente aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement. En sus de quoi, un décret n° 2009-934 du 29 juillet 2009 vient compléter l’arsenal juridique visant à mettre au goût du jour les dispositions légales et réglementaires encadrant le paiement sur internet.
Cet arsenal juridique s’attelle ainsi à encadrer l’autorisation de paiement en ligne d’une part et la mise en œuvre du paiement d’autre part.
I / S’agissant de l’autorisation de l’opération de paiement
Il n’est vraiment pas difficile de comprendre que d’un point de vue technique le paiement en ligne sur internet est extrêmement proche du paiement traditionnel en magasin.
Ce qui distingue véritablement les deux opérations c’est que dans l’hypothèse d’un achat en ligne, l’internaute n’a nul besoin de renseigner le code secret accolé à sa carte de paiement bancaire.
Ce qui rassemble ces deux types de paiement c’est bien qu’aux termes des dispositions de l’article L. 133-3 du code monétaire et financier, l’opération de paiement est une action consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire, ordonnée par le payeur ou le bénéficiaire.
Ce qui rassemble ces deux types de paiement c’est surtout que l’ordre de paiement est donné par le payeur, qui donne un ordre de paiement par l’intermédiaire du bénéficiaire qui, après avoir recueilli l’ordre de paiement du payeur, le transmet au prestataire de services de paiement du payeur, le cas échéant, par l’intermédiaire de son propre prestataire de services de paiement.
Une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution, encore que dans ce cas le payeur et son prestataire de services de paiement puissent convenir que le payeur pourra donner son consentement à l’opération de paiement après l’exécution de cette dernière.
Dans le cadre d’une série d’opérations de paiement (hypothèse d’un site de films et/ou de vidéos en ligne ou encore un site de musiques en ligne proposant des abonnements mensuels par exemple), l’autorisation est effective si le payeur a donné son consentement à l’exécution de la série d’opérations.
En tout état de cause, le consentement est donné sous la forme convenue entre le payeur et son prestataire de services de paiement. En l’absence d’un tel consentement, l’opération ou la série d’opérations de paiement est réputée non autorisée. Par ailleurs, le consentement peut être retiré par le payeur tant que l’ordre de paiement n’a pas acquis un caractère d’irrévocabilité conformément aux dispositions de l’article L. 133-8 du Code monétaire et financier. Cet article L. 133-8 prévoit en effet le principe selon lequel l’utilisateur de services de paiement ne peut révoquer un ordre de paiement une fois qu’il a été reçu par le prestataire de services de paiement du payeur, ce sauf disposition contraire prévu par ledit article L. 133-8.
Exception 1 : Au titre des exceptions prévues par l’article L. 133-8 du Code monétaire et financier la première hypothèse est celle de l’opération de paiement ordonnée par le bénéficiaire ou par le payeur qui donne un ordre de paiement par l’intermédiaire du bénéficiaire. Dans ce cas, le payeur ne peut révoquer l’ordre de paiement qu’avant d’avoir transmis l’ordre de paiement au bénéficiaire ou donné son consentement à l’exécution de l’opération de paiement au bénéficiaire. Si un prélèvement a été réalisé, le payeur pourra d’une part user de la faculté de remboursement prévue par les dispositions de l’article L. 133-25 du Code monétaire et financier et d’autre part révoquer l’ordre de paiement au plus tard à la fin du jour ouvrable précédant le jour convenu pour le débit des fonds.
Exception 2 : Toujours s’agissant des exceptions prévues par l’article L. 133-8 au principe de l’irrévocabilité d’un ordre de paiement, il convient d’évoquer l’hypothèse dans laquelle il a été convenu entre l’utilisateur qui a ordonné l’opération de paiement et son prestataire de services de paiement, que l’exécution de l’ordre de paiement commencera un jour donné ou à l’issue d’une période déterminée ou le jour où le payeur aura mis les fonds à la disposition de son prestataire de services de paiement. De manière concrète et à titre d’exemple, cela peut se produire dans le cadre d’un abonnement mensuel réalisé sur un site proposant des vidéos ou des musiques en ligne, tel qu’évoqué ci-dessus. Dans ce cas, l’utilisateur de services de paiement peut révoquer l’ordre de paiement au plus tard à la fin du jour ouvrable précédant le jour convenu. A priori cette révocation ne sera valable que pour l’échéance à venir. Mais l’utilisateur est légalement parfaitement fondé à retirer son consentement à l’exécution de toute une série d’opération de paiement, avec pour conséquence que toute opération postérieure est réputée non autorisée (article L. 133-7, alinéa 4 du Code monétaire et financier). Par ce biais, l’utilisateur ne saurait cependant remettre en cause les opérations déjà exécutées avant la date de la révocation.
A l’expiration des délais mentionnés aux trois paragraphes ci-dessus, il reste encore possible de révoquer un ordre de paiement ! Mais dans ce cas, l’ordre de paiement ne pourra être révoqué que si l’utilisateur de services de paiement et son prestataire de services de paiement en conviennent ainsi : la volonté des parties reste ainsi souveraine. Par ailleurs, dans les différentes hypothèses mentionnées à l’exception 1 ci-dessus, le consentement du bénéficiaire est également requis en sus pour révoquer un ordre de paiement.
En résumé sur cette question, les exceptions au principe étant très restrictivement encadrées par la loi, il convient de bien prendre en considération les conséquences juridiques d’un ordre de paiement donné en ligne, surtout si celui-ci a été confirmé selon la technique du « double clic » instituée par l’article 1369-5 du Code civil : l’irrévocabilité de l’ordre de paiement est le principe.
II / S’agissant de la mise en œuvre de l’opération de paiement
D’après les dispositions de l’article L. 133-9 du Code monétaire et financier la réception des fonds provenant de la vente en ligne sera effective au plus tard la fin du premier jour ouvrable suivant le moment de réception de l’ordre de paiement et la somme correspondante sera portée au crédit sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire. Un jour ouvrable étant un jour au cours duquel le prestataire de services de paiement du payeur ou celui du bénéficiaire exerce une activité permettant d’exécuter des opérations de paiement, conformément aux dispositions de l’article L. 133-4, d du Code monétaire et financier.
En effet, par application des dispositions de l’article L. 133-14, I du Code monétaire et financier, la date de valeur d’une somme portée au crédit du compte du bénéficiaire ne peut être postérieure à celle du jour ouvrable au cours duquel le montant de l’opération de paiement est crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire.
Par suite, le prestataire de services de paiement du bénéficiaire met le montant de l’opération à disposition du bénéficiaire immédiatement après que son propre compte a été crédité et la date de valeur du débit inscrit au compte de paiement du payeur ne peut être antérieure au jour où le montant de l’opération de paiement est débité de ce compte, toujours en vertu de l’article L. 133-14, I du Code monétaire et financier.
Conclusion générale :
La confiance en l’économie numérique est le gage de son essor à venir. C’est pourquoi le législateur a prix soin de réglementer les modalités de paiement en ligne. Si toutes les modalités prévues par le législateur sont respectées, la vente est parfaite et l’ordre de paiement irrévocable. Ce sans préjudicie toutefois de la possibilité pour le payeur de contester toutes opérations non autorisées ou toutes opérations qui bien qu’autorisées ont été mal exécutées ; si cela n’est pas l’objet de la présente étude ces possibilités ne doivent en aucun cas être minorées ou éludées.
Par Maître Thomas Canfin, Docteur en droit, Avocat d’affaires associé spécialiste en Droit bancaire et boursier, Spécialiste en Droit commercial, des affaires et de la concurrence.