Les instruments communautaires relatifs aux divorces internationaux ou le divorce « à la carte »

Dans le cadre d’une procédure de divorce, des éléments d’extranéité peuvent intervenir, notamment la nationalité étrangère de l’un ou des deux époux, le lieu de célébration du mariage à l’étranger, ou encore la résidence habituelle des époux en dehors du territoire français  entraînant ainsi un conflit de lois plus ou moins pimenté.

Ces éléments d’extranéité amènent, par la force des choses les Epoux, l’Avocat et a fortiori le Magistrat à se poser la question de la loi applicable et de la juridiction compétente pour connaitre de leur divorce, par essence transfrontalier.

Jusqu’à récemment, les réponses étaient apportées par notre Code Civil ainsi que par le Règlement de Bruxelles II Bis en date du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale.

En effet, au menu de notre droit international privé, les Epoux avaient un choix relativement restreint pour voir appliquer une loi étrangère au lieu et place de la loi française, et ce au moment de l’introduction de l’instance.

De fait,  les critères de rattachement proposés par l’article 309 du Code Civil conduisaient presque de facto à l’application de la Loi française dès lors que :

  • les époux sont tous deux de nationalité française,
  • les époux ont l’un et l’autre leur résidence habituelle sur le territoire français,
  • lorsqu’aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente.

Dans l’hypothèse d’Epoux ressortissant(s) européens, les articles 3 à 6 du Règlement de Bruxelles conduisaient également très fréquemment à l’application de la loi française dès lors que :

  •  la résidence habituelle des époux se trouvaient en France, Etat Membre de l’Union européenne,
  •  la résidence de l’époux demandeur au moment de l’introduction de l’instance se trouve en France,  Etat Membre de l’Union européenne,
  •  Lorsque l’époux demandeur est ressortissant français, donc ressortissant communautaire.

Or, depuis le 21 juin 2012, les possibilités de voir appliquer une loi autre que la loi française à un divorce transfrontalier ont été démultipliées de telle sorte qu’aujourd’hui les Epoux de nationalité étrangère ou binationaux peuvent véritablement divorcer « à la carte ».

 En effet, le Législateur européen par le biais d’une coopération renforcée entre 14 Etats Membres s’est surpassé tel un chef étoilé en proposant au menu communautaire du divorce un panel de choix pour déterminer la loi applicable au divorce transfrontalier.

Ainsi, en application du Règlement n°1259/2010 du 20 décembre 2010 dit ROME « III », entré en vigueur le 21 Juin 2012, il est possible aux Epoux de choisir la loi applicable à leur divorce, et ce y compris dans le cadre de contrats prénuptiaux.

Les Epoux peuvent effectivement choisir et modifier la loi applicable à leur (futur) divorce par voie de convention, et ce à tout moment, de la signature de leur contrat de mariage, jusqu’au jour du dépôt de la Requête, au plus tard.

Le choix de la Loi applicable au divorce est consacré à l’article 5 de ce nouveau règlement communautaire :

« Les époux peuvent convenir de désigner la loi applicable au divorce (…) pour autant qu’il s’agisse de l’une des lois suivantes :

  • la loi de l’état de la résidence habituelle des époux au moment de la conclusion de la Convention, ou
  • la loi de l’état de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que l’un d’eux y réside encore au moment de la conclusion de la convention, ou
  • la loi de l’état de la nationalité de l’un des époux au moment de la conclusion de la convention, ou
  • la loi du for (…) »

En l’absence de choix par les époux, le Règlement de Rome III détermine la loi applicable sur la base de critères objectifs prévus en son article 8 :

  • le lieu de résidence habituelle des époux au jour de la saisine de la juridiction, ou :
  • le lieu de la dernière résidence habituelle des époux à la double condition qu’elle n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux réside toujours au sein de l’Etat Membre où sera saisie la juridiction ;
  • la nationalité des deux époux au moment de la saisine de la juridiction

De plus, ce texte communautaire étant d’application universelle, il viendra à s’appliquer même si la loi désignée n’est pas celle de l’un des 14 Etats Membres Participants.

En d’autres termes, le Juge Aux Affaires Familiales français appliquera ce nouveau règlement communautaire quelle que soit la loi désignée, la nationalité ou encore la résidence habituelle des époux, sous réserve que la loi choisie par les Epoux soit conforme à l’ordre public ; (articles 10, 12 et 13).

En conséquence, notre savoureux article 309 du Civil a vocation à tomber en désuétude telle une bonne vielle recette du terroir.

Par Me Edith Toledano, avocat associé au Barreau de NICE (Toledano Canfin & Associés)

[Retourner en haut de la page]