Le droit français n’interdit pas le prononcé de l’adoption, par l’époux du père, de l’enfant né à l’étranger d’une procréation lorsque le droit étranger autorise la convention de gestation pour autrui et que l’acte de naissance de l’enfant, qui ne fait mention que d’un parent, a été dressé conformément à la législation étrangère, en l’absence de tout élément de fraude.
Cour de Cassation. 1re Chambre civile 4 nov. 2020.
Les Faits :
En 2016, un homme forme une demande d’adoption plénière de l’enfant de son
conjoint à laquelle ce dernier a consenti.
L’enfant est né au Mexique à l’issue d’une convention de gestation pour autrui (GPA) et la transcription de l’acte de naissance établi à l’étranger ne mentionne que le nom du père.
Cette demande étant rejetée par les
juges du fond, les époux se pourvoient en cassation.
Ils font valoir devant la Cour de Cassation qu’il leur est impossible de
produire tant un document démontrant le consentement de la mère porteuse à
l’adoption de l’enfant par le conjoint du père que la renonciation de cette
dernière à des droits sur l’enfant dont elle avait accouché.
En effet, dans la mesure où, conformément au droit mexicain alors en vigueur dans l’état de naissance, la mère porteuse n’est pas biologiquement le parent de l’enfant, conçu avec un don d’ovocyte, elle n’a juridiquement aucun lien avec l’enfant, ni aucun droit sur ce dernier.
Ainsi, l’enfant n’a juridiquement pas de mère, ni au sens du droit mexicain, ni au sens du droit français.
En outre, le conjoint du père avait également versé aux débats, devant les juges du fond, un document de la direction générale du registre civil de l’État mexicain de naissance attestant que le contrat de gestation pour autrui conclu était conforme aux exigences de la loi mexicaine.
Pour fonder sa décision, la Cour de cassation rappelle tout d’abord la prohibition des contrats de GPA en France instituée par l’article 16-7 du Code civil.
Elle vise ensuite l’article 353, alinéa 1er du même code aux termes duquel l’adoption est prononcée à la requête de l’adoptant par le tribunal judiciaire qui vérifie si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant.
La Cour rappelle également les dispositions de l’article 345-1, 1° selon lesquelles l’adoption plénière de l’enfant du conjoint est permise lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint.
Elle cite enfin celles de l’article
47 du Code civil aux termes desquelles, tout acte de l’état civil des Français
et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans
ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données
extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas
échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier,
falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la
réalité.
De ces quatre textes, la Cour de
cassation déduit que « le droit français n’interdit pas le prononcé de
l’adoption, par l’époux du père, de l’enfant né à l’étranger de cette
procréation lorsque le droit étranger autorise la convention de gestation pour
autrui et que l’acte de naissance de l’enfant, qui ne fait mention que d’un
parent, a été dressé conformément à la législation étrangère, en l’absence de
tout élément de fraude ».
Elle considère dès lors la cour d’appel a privé sa décision de base légale au
regard des textes susvisés .
En effet, pour rejeter la demande d’adoption plénière, les juges de la Cour d’Appel, avaient retenu que rien ne permettait d’appréhender les modalités selon lesquelles la femme ayant accouché de l’enfant aurait renoncé de manière définitive à l’établissement de la filiation maternelle et qu’il en était de même du consentement de cette femme à l’adoption de l’enfant, par le mari du père.
Ils estimaient donc que, dans ces conditions, il ne pouvait être conclu que l’adoption sollicitée, exclusivement en la forme plénière et avec les effets définitifs qui s’attachent à cette dernière, soit conforme à l’intérêt de l’enfant, qui ne peut s’apprécier qu’au vu d’éléments biographiques suffisants.
La Cour de Cassation censure ce raisonnement reprochant aux juges d’appel de ne
pas avoir rechercher, comme il le leur était demandé, si les documents
produits, et notamment l’autorisation donnée par la direction générale du
registre civil, à l’officier de l’état civil de la commune naissance afin qu’il
établisse l’acte de naissance de l’enfant, ne démontraient pas que cet acte de
naissance, comportant le seul nom du père, était conforme à la loi de l’État
mexicain.
Or, en l’absence de lien de filiation établi avec la femme ayant donné naissance à l’enfant, l’adoption plénière était juridiquement possible.
Publié par Maître Edith Toledano, Avocat associé au Barreau de Nice