La vente forcée dans le cadre de la procédure de saisie immobilière

Le juge de l’exécution peut ne pas avoir autorisé la vente amiable du bien immobilier objet de la procédure de saisie immobilière. Il peut néanmoins avoir, dans un premier temps, autorisé la vente amiable de ce bien, mais que le débiteur saisi ne soit pas parvenu à trouver un acquéreur dans le court délai de la procédure.

Dans l’une ou l’autre de ces hypothèses, le juge de l’exécution oriente la procédure en vente forcée. Dans la première hypothèse, cela se produit dès l’audience d’orientation aux termes du jugement d’orientation. Dans la seconde hypothèse, cela se produit à l’audience de rappel qui a lieu dans un délai de 4 mois et le cas échéant de 7 mois après ladite audience d’orientation, lorsque le juge constate l’échec de la vente amiable.

S’agissant de l’organisation des visites de l’immeuble saisi

C’est bien entendu le juge de l’exécution qui détermine les modalités de visite de l’immeuble à la demande du créancier poursuivant. Il s’agit de permettre aux futurs enchérisseurs d’être éclairés sur la nature et l’état du bien dont ils s’apprêtent à se porter acquéreurs à la barre du tribunal.

Sous la responsabilité du créancier poursuivant, ces visites se réalisent généralement par l’entremise d’un huissier de justice. En effet, la loi prévoit que l’huissier de justice chargé de l’exécution d’un titre exécutoire peut pénétrer dans les locaux occupés par le débiteur lui-même. Si ces locaux sont occupés par un tiers, tel un locataire, il est toutefois nécessaire d’obtenir au préalable l’autorisation du juge de l’exécution.

Il peut arriver que le débiteur saisi refuse d’ouvrir la porte à l’huissier de justice afin de tenter d’en interdire les visites. Dans cette hypothèse, l’huissier de justice peut se faire assister d’un serrurier afin d’ouvrir la porte.

S’agissant d’un éventuel recours à la force publique en cas de grosses difficultés rencontrées par l’huissier de justice (obstruction physique, menace, etc.) il ne semble pas nécessaire pour lui d’obtenir une autorisation préalable d’être assisté par les forces de police. En effet, dans cette hypothèse, l’huissier de justice intervient en vertu d’une décision du juge de l’exécution. Or, il semble qu’en vertu d’une telle décision l’État soit tenu de prêter son concours à l’exécution des jugements et autres titres exécutoires. De sorte que le jugement d’orientation du juge de l’exécution est parfaitement suffisant pour permettre à l’huissier de justice, le cas échéant, d’être assisté d’un officier de police judiciaire.

S’agissant de la fixation de la mise à prix

C’est le créancier poursuivant qui fixe le montant de la mise à prix du bien immobilier. Cela revêt un caractère important puisqu’à défaut d’enchère, c’est le créancier poursuivant qui sera déclaré même déclaré adjudicataire.

En cas d’insuffisance manifeste de ce prix, le débiteur saisi peut le contester. Il doit néanmoins garder en tête qu’il est de son plus grand intérêt qu’un nombre maximum d’enchères soit porté lors de l’audience d’adjudication. Dans cet esprit, la mise à prix trop élevée présente un fort risque d’effrayer nombre d’enchérisseurs potentiels. En tout état de cause, s’il n’y a pas d’enchérisseur lorsque le prix a été augmenté par le juge, le bien sera remis à la vente sur baisses du prix successives jusqu’au montant de la mise à prix initial. À défaut total d’enchère, le créancier poursuivant ne pourra être déclaré adjudicataire que pour la mise à prix initialement fixé.

La publicité préalable à la vente

La vente forcée est poursuivie après la publication d’une publicité visant à permettre l’information du plus grand nombre d’enchérisseurs possibles.

Un avis de vente comportant nombre de dispositions prévues par la loi est rédigé par le créancier poursuivant avant qu’il ne le dépose au greffe du juge de l’exécution d’une part, et qu’il fasse procéder à sa publication dans un des journaux d’annonces légales diffusées dans l’arrondissement de la situation de l’immeuble saisi d’autre part. Cet avis de vente est apposé à l’entrée ou, à défaut, en limite de l’immeuble saisi prenant la forme d’un placard de dimensions spécifiées par la loi.

Ces deux formes de publicité de la vente forcée devront nécessairement être accomplies dans un délai compris entre 1 et 2 mois préalablement à l’audience d’adjudication. En plus de ces deux modes obligatoires de publicité, le créancier poursuivant peut également entreprendre tout autre mode de publicité, sans toutefois que cela soit générateur des frais supplémentaires pour le débiteur saisi. La publicité peut, par conséquent, s’étendre dans un autre arrondissement ou dans une autre région, ainsi que sur un site Internet visible par un large public.

S’agissant de l’audience de vente

La loi prévoit qu’au jour indiqué le créancier poursuivant ou, à défaut, tout créancier inscrit, alors subrogé dans les poursuites, sollicite la vente. Si aucun créancier ne sollicite la vente, le juge constate la caducité du commandement de payer valant saisie.

Le renvoi de l’audience de vente est exceptionnel. En effet, la loi prévoit que la vente forcée ne peut être reportée que pour un cas de force majeure ou sur la demande de la commission de surendettement pour certains cas réservés par la loi.

Si par extraordinaire l’audience de vente devait faire l’objet d’un renvoi, il serait alors procédé à une nouvelle publicité, dans les formes et délais de la première vente forcée.

S’agissant du cas le plus fréquent où la vente est requise

La vente est requise par le créancier poursuivant ou par le créancier subrogé. À défaut, le juge de l’exécution constatera la caducité du commandement de payer valant saisie.

Dans l’hypothèse où le débiteur saisi aurait désintéressé le créancier poursuivant, mais pas tous les autres créanciers inscrits, l’un de ces derniers peut demander à être subrogé dans les poursuites et ainsi solliciter la vente en lieu et place du créancier poursuivant initial.

S’agissant des enchères proprement dites

Les enchères devront être portées uniquement par des personnes physiques majeures ou morales pouvant disposer de leurs droits et justifiant de garanties de paiement. Il reste toutefois possible de porter des enchères pour le compte d’une société en formation si, lors des formalités de constitution et d’immatriculation de cette société, les associés ont entendu reprendre cet acte pour le compte de la société en formation.

Il existe diverses incompatibilités. À ce titre notamment, l’avocat qui serait intervenu au cours de la procédure de saisie immobilière, à quelque titre que ce soit, ne pourra pas porter d’enchère pour le compte d’un éventuel acquéreur.

En revanche, l’avocat non soumis à un régime d’incompatibilité pourra porter des enchères pour le compte de son client à condition toutefois, que celui-ci lui ait remis contre récépissé une caution bancaire irrévocable ou un chèque de banque rédigés à l’ordre du séquestre ou de la Caisse des Dépôts et consignations − selon les indications du cahier des conditions de vente − représentant 10 % du montant de la mise à prix, sans que le montant de sa garantie puisse être inférieur à 3’000 €.

En tout état de cause, chaque avocat ne peut être titulaire que d’un seul le mandat unique de porter des enchères pour le compte d’un client. L’avocat ne peut donc au cours de la même vente sur adjudication, porter des enchères pour plusieurs clients différents. Si l’avocat officie au sein d’une société professionnelle telle qu’une SCP une SELARL ou une SELAS, c’est la société qui représente le client. De sorte que cette société d’avocats ne peut disposer que d’un seul mandat de représentation d’un client pour une vente sur adjudication.

S’agissant de l’adjudication

Les enchères partent du montant de la mise à prix fixé soit dans le cahier des conditions de la vente, soit aux termes de la décision judiciaire. Les enchères sont pures et simples et elles doivent couvrir l’enchère qui la précède.

Dans l’hypothèse pas si rare de l’absence d’enchère portée, c’est le créancier poursuivant qui est déclaré adjudicataire pour le montant de la mise à prix.

Lorsqu’aucune enchère n’est portée alors que le montant de la mise à prix a été modifié par le juge, le bien sera immédiatement remis en vente sur baisses successives de ce montant, parfois même jusqu’au montant de la mise à prix initial. Dans cette hypothèse, si même au montant de la mise à prix initial aucune enchère n’est portée, le créancier poursuivant sera déclaré adjudicataire à ce montant.

À l’issue de l’adjudication, l’avocat du dernier enchérisseur doit déclarer au greffier l’identité de son mandant, et ce avant l’issue de l’audience (en général, le greffier demande ces renseignements immédiatement).

L’adjudicataire devra s’acquitter du paiement du prix de vente dans un délai de 2 mois à compter de la date d’adjudication définitive. Avant même de justifier du paiement de ce prix, l’adjudicataire doit également et surtout, justifier auprès du greffe du paiement des frais de la poursuite taxés par le juge de l’exécution.

En tant que de besoin, le jugement d’adjudication vaut titre d’expulsion

À moins que le cahier des conditions de la vente ait expressément prévu le maintien dans les lieux du débiteur saisi ou/et de tout occupant de son chef, le jugement d’adjudication est constitutif d’un titre exécutoire d’expulsion à l’encontre du saisi. A priori, ce jugement d’adjudication est également suffisant pour requérir le concours de la force publique dans le cadre d’une éventuelle opération d’expulsion.

Les effets de l’adjudication

L’adjudication emporte vente forcée du bien saisi et en transmet la propriété à l’adjudicataire. Elle ne confère à celui-ci d’autres droits que ceux appartenant au débiteur saisi. Ce dernier est tenu à l’égard de l’adjudicataire, à la délivrance du bien et à la garantie d’éviction.

L’adjudicataire devient, par conséquent, propriétaire de l’ensemble immobilier détenu par le débiteur du seul effet que l’adjudication. Si le débiteur se maintient dans les lieux, outre le fait qu’il encourt le risque d’être expulsé, il devra en outre payer une indemnité d’occupation à l’adjudicataire devenu propriétaire.

Le paiement du prix par l’adjudicataire

C’est en payant le prix que l’adjudicataire pourra disposer totalement du bien objet de la vente forcée. Préalablement, l’adjudicataire aura payé les frais de poursuite de la procédure de saisie immobilière tels que taxés par le juge de l’exécution.

À défaut de versement du prix ou de sa consignation et à défaut du paiement des frais, la vente sera résolue de plein droit et fera l’objet de la procédure de réitération des enchères (voir ci-dessous). Au surplus, et cela peut s’avérer relativement grave, l’adjudicataire défaillant sera tenu au paiement de la différence entre son enchère et le prix de la revente si celui-ci est moins important.

Le titre de vente

Dans ce cadre particulier que constitue l’achat immobilier dans le cadre d’une procédure d’adjudication, le titre de propriété de l’adjudicataire se matérialise par l’expédition par le greffe du Tribunal du cahier des conditions de la vente revêtu de la formule exécutoire à la suite de laquelle est transcrit le jugement d’adjudication.

En tout état de cause, ce titre de vente ne sera expédié par le greffier à l’adjudicataire que sur justification du paiement des frais taxés par le juge.

L’hypothèse de la surenchère

L’adjudicataire initial doit réellement prendre conscience qu’il ne deviendra définitivement adjudicataire du bien qu’à l’expiration du délai permettant à tout intéressé de porter une surenchère sur le bien adjugé.

En effet, les tiers sont informés des conditions de l’adjudication par la publicité qui en est assurée.

Or, tout intéressé peut décider de surenchérir du 10ème au moins du prix principal de la vente.

D’un point de vue pratique, la surenchère sera formée par acte d’avocat déposé au greffe du juge de l’exécution dans un délai de 10 jours suivant l’adjudication. Dans un délai maximum de 3 jours ouvrables suivant la déclaration de surenchère, le surenchérisseur devra en outre dénoncer cette déclaration par acte d’huissier de justice ou par notification entre avocats : au créancier poursuivant, à l’adjudicataire et au débiteur saisi.

Cette déclaration de surenchère équivaut à une demande de fixation d’une audience de surenchère. L’audience sera fixée par le juge de l’exécution à une date comprise entre 2 et 4 mois suivant la déclaration de surenchère.

Cette déclaration de surenchère peut toutefois être contestée dans les 15 jours de sa dénonciation.

La vente sur surenchère

Préalablement à l’audience de vente sur surenchère, le surenchérisseur devra réaliser les formalités de publicité. À défaut pour lui d’y procéder, le créancier poursuivant pourra réaliser cette publicité sans avoir à solliciter préalablement sa subrogation.

Au jour de la vente sur surenchère, si cette surenchère n’est pas couverte, c’est le surenchérisseur qui sera déclaré adjudicataire.

Il est important d’observer qu’aucune surenchère ne pourra être reçue sur cette seconde adjudication. C’est la règle : « surenchère sur surenchère ne vaut ».

La réitération des enchères

Il existe une éventualité que le dernier enchérisseur déclaré adjudicataire par le juge de l’exécution ne soit finalement pas en mesure de donner le paiement des frais de poursuite et du prix d’adjudication. C’est l’hypothèse de la réitération des enchères, jadis dénommée « folle enchère ».

Dans cette situation correspondant au défaut pour l’adjudicataire de payer dans les délais prescrits le prix, les frais taxés ou les droits de mutation, la vente est résolue de plein droit et le bien est remis à la vente.

Pour que le bien immobilier puisse être remis à la vente, il convient préalablement que la partie qui poursuit la vente sur réitération des enchères se fasse délivrer par le greffe du juge de l’exécution un certificat constatant que l’adjudicataire n’a pas justifié du versement du prix ou de sa consignation ou du paiement des frais taxés ou des droits de mutation.

Toutefois, l’adjudicataire pourra contester la délivrance d’un tel certificat de non-paiement.

La fixation d’une nouvelle audience de vente

Sur la base d’un certificat de non-paiement définitif le créancier poursuivant, un créancier inscrit, et même le débiteur saisit le juge de l’exécution d’une requête en fixation d’une nouvelle audience de vente.

Cette nouvelle audience de vente interviendra dans un délai de 2 à 4 mois.

Dans l’optique de cette audience, il est bien entendu à nouveau nécessaire de procéder aux formalités de publicité.

En pratique et d’un point de vue procédural, les enchères seront portées de manière identique à celle relative à la vente forcée.

La personne déclarée adjudicataire à l’issue de la nouvelle procédure d’adjudication supportera uniquement les frais résultants de la vente sur réitération des enchères. En effet, c’est l’adjudicataire (initial) défaillant qui conservera à sa charge les frais de la première adjudication.

Publié par Maître Thomas CANFIN
Docteur en droit
Avocat associé
Spécialiste en Droit bancaire et boursier
Spécialiste en Droit commercial, des affaires et de la concurrence
Ancien chargé d’enseignements à l’Université de Nice Sophia-Antipolis

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