Juridiquement, l’émancipation doit être entendue comme l’acte par lequel le mineur est affranchi de l’autorité parentale ou de la tutelle et devient capable, comme un majeur, des actes de la vie civile .

Sous l’Ancien droit, la nécessité de mettre en œuvre l’émancipation est apparue tardivement .

Les coutumes ayant fixé à 25 ans l’âge de la majorité, il fût admis que le mariage émancipait.

Parallèlement, le roi pouvait accorder des lettres de bénéfice d’âge conférant au mineur une semi-capacité pour l’administration de ses biens, les actes les plus graves requérant l’assistance d’un curateur et l’avis des parents.

En 1804, les rédacteurs du Code civil ont repris l’essentiel des règles de la période antérieure, deux types d’émancipation ayant été instaurés par le Code civil, celle résultant du mariage et celle résultant de la volonté des parents, à savoir l’émancipation par déclaration.

Dans ces deux cas, les effets étaient les mêmes : le mineur était un semi-incapable. Il n’était plus atteint d’une incapacité générale mais n’avait pas non plus une pleine et entière capacité.

Le système mis en place par la loi du 14 décembre 1964 met fin au système en demi-teinte que le droit français connaissait auparavant, l’ article 481 du Code civil posant comme principe que le mineur émancipé est capable dans tous les actes de la vie civile. Ce dernier devient capable non seulement quant à sa personne mais également quant à ses biens. Alors que l’émancipation était jusqu’alors entendue comme une étape vers la capacité, elle devient une véritable anticipation de la majorité

Alors qu’au préalable, la majorité était fixée à 21 ans, du 5 juillet 1974 l’a abaissée à 18 ans.

S’est alors posée la question du maintien de l’institution de l’émancipation, laquelle était applicable jusqu’alors, lorsqu’elle était demandée par les parents, à partir de l’âge de 18 ans. Le législateur a choisi de la maintenir, édictant que le mineur pouvait être émancipé à partir de l’âge de 16 ans.

La loi apporte deux autres modifications en édictant que lorsque l’émancipation ne découle pas du mariage, elle est nécessairement judiciaire (C. civ., art. 477 et 478, anciens) et que le mineur émancipé ne peut être commerçant (C. civ., art. 487, ancien).

Cependant le législateur, au travers de la loi no 2010-65815 du juin 2010, consacrant l’entreprise individuelle à responsabilité limitée, a mis fin à l’interdiction selon laquelle le mineur émancipé ne peut être commerçant .

La loi no 93-22 du 8 janvier 1993 impose que le mineur soit entendu au cours de la procédure visant à son émancipation.

Il s’agit ici d’une application spécifique du principe général d’audition du mineur dans toute procédure le concernant édicté par l’ article 388-1 du Code civil .

Le mineur est en effet impliqué directement par la décision qui sera rendue par le juge et son discernement, dès lors qu’il est âgé de plus de 16 ans, est présumé.

C’est le juge aux affaires familiales, en sa qualité de juge des tutelles des mineurs, qui connait des demandes d’émancipation .

En abaissant l’âge de la majorité à 18 ans, la loi du 5 juillet 1974 a considérablement amenuisé l’intérêt pratique de l’émancipation, laquelle n’est sollicitée que dans un faible nombre de situations, qui ne donnent lieu à un contentieux qu’encore plus rarement.

On ne peut donc nier qu’il s’agit d’une institution en déclin

Ce déclin est encore plus significatif depuis que la loi no 2006-399 du 4 avril 2006 , fixe à 18 ans l’âge matrimonial légal pour tous les futurs époux ( C. civ., art. 144 , mod. par L. no 2013-404,17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personne de même sexe) et fait ainsi coïncider cet âge avec celui de la majorité civile, ce qui fait nécessairement diminuer le nombre d’émancipations par mariage.

On peut ainsi dire que l’émancipation est désormais « un instrument technique permettant de donner quelques solutions dans des situations relativement exceptionnelles »

En pratique, ce déclin s’explique également par l’élargissement des pratiques donnant, de fait, de plus en plus de latitude à l’adolescent de 16 ans dans les actes qu’ils peut accomplir et au travers desquels il dispose d’une plus grande autonomie

Ainsi, il peut notamment percevoir un salaire, ouvrir un compte courant auprès d’un établissement bancaire et détenir une carte de paiement.

Publié par Maître Edith TOLEDANO, Avocat associé au Barreau de NICE (Toledano Canfin & Associés)