Taux d’intérêts d’un prêt ou d’un découvert en compte courant : Fixation – Taux effectif global – Déchéance des intérêts conventionnels – Sanctions – Usure

Section I : La perception d’intérêts comme rémunération du banquier : notions générales

L’octroie d’un crédit par une banque est un service payant. La rémunération du banquier consiste en la perception d’intérêts, de manière annuelle, trimestrielle ou bien mensuelle, sans préjudice également de la possibilité de percevoir l’intérêt en une seule fois au moment de la dernière échéance du prêt.

Taux fixe et taux variable

Une rémunération du banquier qui repose sur un taux fixe d’intérêts constitue un risque généralement réservé aux emprunteurs particuliers pour les crédits à court termes, qu’ils soient à la consommation ou personnels. Le banquier et les établissements de crédits préfèrent généralement assortir le bénéfice d’un prêt aux entreprises d’un taux variable, mieux susceptible de s’adapter aux évolutions du contexte économique.

Taux d’intérêt légal

Dans l’hypothèse où aucune disposition contractuelle écrite ne prévoit de taux d’intérêt conventionnel pour une créance ou si ce taux d’intérêt ne peut s’appliquer (clause réputée non écrite ou déchéance du droit aux intérêts conventionnels) ainsi que pour les créances légales, le taux d’intérêt légal trouve à s’appliquer. Ce taux d’intérêt légal est fixé par décret pour l’année civile et est égal à la moyenne arithmétique des douze dernières moyennes mensuelles des taux de rendement actuariel des adjudications de bons du Trésor à taux fixe à 13 semaines.

Le taux d’intérêt légal est fixé à 0,04 % pour l’année 2013. Pour mémoire, précisons que le taux d’intérêt légal était :

  • de 0,71 % en 2012 ;
  • de 0,38 % en 2011 ;
  • de 0,65 %  en 2010 ;
  • de 3,79 % en 2009 ;
  • de 3,99 % en 2008 ;
  • de 2,95 % en 2007.

Taux de base bancaire (TBB)

Le taux de base bancaire est le taux d’intérêt référant sur lequel la banque se repose pour déterminer sa rémunération lors de l’octroie d’un crédit.

Il serait plus judicieux de parler du taux de base de la banque plutôt que d’un taux de base bancaire car chaque banque possède son propre taux de base bancaire.

Selon les conditions du crédit en termes de montant, de durée, de risques encourus, la banque majore plus ou moins ce taux de base bancaire et détermine ainsi le taux d’intérêt accolé au prêt consenti à son client.

Frais et services accessoires s’ajoutant au coût du crédit

Le coût d’un crédit intègre tout d’abord les frais de dossier devant couvrir la gestion administrative afférente à l’ouverture de la ligne de crédit. La banque peut notamment répercuter sur le coût du crédit, le montant des sommes exposées pour constituer une garantie : les frais de notaire pour la constitution d’une hypothèque, d’un privilège de prêteur de deniers, d’une subrogation dans un privilège préexistant, etc. Doivent également être intégrés dans le coût du crédit le montant des primes d’assurance décès-invalidité, d’assurance perte d’emploi, etc., souscrites sur l’emprunteur personne physique, sur le dirigeant de l’entreprise emprunteuse, ou encore sur la caution personnelle de l’emprunteur.

Le coût du crédit intègre ensuite les frais de services pouvant être rendus par la banque à l’emprunteur, comme les frais générés par l’encaissement d’un effet de commerce dans une opération d’escompte.

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Section II : Le taux d’intérêt conventionnel

L’article 1907 du Code civil dispose dans son deuxième alinéa que : « Le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit ».

L’article L. 313-2 du Code de la consommation précisant quant à lui que le taux effectif global doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt. Cette notion de taux effectif global sera étudiée ci-après.

La fixation par écrit du taux d’intérêt conventionnel et du taux effectif global (TEG) est donc un impératif.

Ce taux d’intérêt peut être fixe ou variable, la Cour de cassation admettant même que ce taux d’intérêt variable soit fonction du taux de base de la banque évoqué plus avant.

Dans l’hypothèse d’un taux d’intérêt variable, la banque n’a pas l’obligation d’informer l’emprunteur de la modification du taux effectif global résultant de la révision du taux d’intérêt original selon l’évolution d’un indice objectif (Cass. 1ère civ. 20 déc. 2007 : n° 06-14690). La banque doit donc uniquement indiquer le taux effectif global dans l’écrit constatant le prêt.

A défaut d’un tel écrit constatant la fixation du taux d’intérêt conventionnel le banquier encourt la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels, ne pouvant dans ce cas plus que bénéficier des intérêts au taux légal. L’action en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels se prescrit par cinq ans à compter de la conclusion du contrat, et non de la date de la remise des fonds, lorsque la lecture du contrat permet de constater l’erreur (Cass. 1ère civ. 11 juin 2009, n° 08-11755, Bull. civ. I, n° 125 ; Cass. com. 20 janv. 2011, n° 09-70450).

La solution est globalement la même en matière de prêt à la consommation. Le taux d’intérêt normaux et le taux annuel effectif global (TAEG) figurent dans la fiche d’information précontractuelle devant être établie préalablement à la conclusion du crédit et dans l’offre de crédit. A défaut d’une telle précision, la banque encourt la déchéance du droit aux intérêts conventionnels auquel l’intérêt légal sera substitué, l’emprunteur n’étant alors tenu qu’aux paiements à échéances du remboursement du capital augmenté de l’intérêt légal (Cass. 1ère civ. 18 janv. 2000 : n° 98-13230). Cette déchéance ne s’applique pas aux frais et accessoires liés au prêt tels que les primes d’assurances (Cass. 1ère civ. 19 sept. 2007 : n° 06-16964).

La solution est encore identique en matière de prêt immobilier. L’absence d’information du taux effectif global dans l’offre de prêt ouvre la possibilité à l’emprunteur de solliciter la déchéance des intérêts conventionnels, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge (article L. 312-33 du Code de la consommation), cette sanction étant exclusive de toute autre et notamment celle de la nullité du prêt (Cass. 1ère civ., 23 nov. 1999 : n° 97-14949, Bull. civ. I, n° 321).

Taux d’intérêt conventionnel d’un découvert en compte courant

Il était d’usage pour les banques de ne pas préciser le taux des intérêts applicables aux opérations passées en découvert de compte courant, la Cour de cassation admettant la preuve d’une prévision d’intérêts conventionnels de l’existence d’un compte bancaire présentant les caractéristiques d’un compte courant.

Toutefois, force doit rester aux dispositions de l’article 1907, alinéa 2 du Code civil : « Le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit » ainsi qu’à celles de l’article L. 313-2 du Code de la consommation stipulant que le taux effectif global doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt. De sorte que par deux arrêts de principe, la première chambre civile et la chambre commerciale de la Cour de cassation sont venues affirmer l’obligation d’un écrit pour la fixation d’un intérêt conventionnel en matière de découvert de compte courant (Cass. 1ère civ., 9 fév. 1988, n° 86-11557, Bull. civ. I, n° 34 ; Cass. com., 12 avr.1988, n° 87-11199, Bull. civ. IV, n° 130).Ces ont été confirmées par la suite.

Lors de l’ouverture d’un compte courant, cette nécessaire stipulation écrite des intérêts conventionnels signifie tout d’abord l’existence d’une convention écrite mentionnant l’obligation de payer des agios conventionnels par application du taux effectif global (TEG) mais ensuite que ce taux effectif global soit également porté sur les relevés périodiques reçus par l’emprunteur, sans protestation ni réserve (Cass. com., 20 févr. 2007, n° 04-11989, Bull.civ. IV, n° 47 ; Cass. 1ère civ. 28, oct. 2010, n° 09-13864).

A défaut de respecter ces informations le banquier encourt la déchéance des intérêts conventionnels, ce pour la période antérieure à une juste information du titulaire du compte, auxquels sera substitué l’intérêt au taux légal. L’action en nullité de la clause d’intérêts se prescrit par cinq années à compter de la réception de chaque relevé périodique de compte (Cass. com., 16 mars 2010 : n° 09-11236, Bull. civ. IV, n° 58).

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Section III : Le Taux Effectif Global (TEG)

S’agissant de la composition du Taux effectif global il est possible de se reporter aux dispositions de l’article L 313-1 du Code de la consommation qui énonce que : « pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ».

Le TEG est donc un taux représentatif du coût total du crédit. C’est un moyen de comparaison des offres de crédits des établissements de crédit.

En matière de découvert en compte courant entrent dans la détermination du TEG :

  • la commission de découvert ou de plus fort découvert ;
  • la commission du dépassement de découvert autorisé ;
  • la commission d’immobilisation.

En matière de découvert en compte courant, la commission d’engagement entre prorata temporis dans le calcul du TEG lorsqu’elle est perçue sur la totalité du découvert. Toutefois, lorsque cette commission est perçue prorata temporis sur la partie non utilisée de l’autorisation elle n’entre pas dans le calcul du TEG.

En tout état de cause, en matière de découvert en compte courant n’entrent pas en compte dans la détermination du taux effectif global les commissions et frais dont l’objet est de rémunérer un service distinct du crédit, tels que par exemple, la commission d’écarté (ou encore d’intervention) et les frais d’information annuelle de la caution, etc.

Sanction civile d’une erreur ou d’une omission du TEG

Que ce soit en matière de contrat de prêt ou de découvert en compte courant, l’erreur dans le calcul du TEG équivaut à un défaut d’indication dudit taux sanctionné à l’identique par la Cour de cassation, savoir : la substitution du taux d’intérêt légal au taux d’intérêt conventionnel (Cass. com., 17 janv. 2006 : n° 04-11100 ; Bull. civ. IV, n° 11).

Sanction pénale d’une omission du TEG

En outre l’omission du TEG est sanctionnée :

  • par une peine d’amende correctionnelle de 4500 euros dans le cadre d’un contrat de prêt ;
  • par une amende de 1500 euros en matière de prêt à la consommation ;
  • par une amende de 3750 euros en matière de prêt immobilier.
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Section IV : L’usure

Définition légale de l’usure

La notion de prêt usuraire concerne uniquement les prêts accordés aux particuliers agissant pour leurs besoins non professionnels ainsi que les prêts accordés aux personnes morales n’ayant pas d’activités professionnelles (article L. 313-3, dernier alinéa du Code de la consommation.

Sous cette réserve, aux termes des dispositions de l’article L. 313-3 du code de la consommation, « constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit pour des opérations de même nature comportant des risques analogues, telles que définies par l’autorité administrative après avis du Comité consultatif du secteur financier ».

Sanction pénale de l’usure

C’est l’article L. 313-5 du Code monétaire et financier qui prévoit la sanction pénale du prêt usuraire. Ainsi, « quiconque consent à autrui un prêt usuraire ou apporte sciemment à quelque titre et de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, son concours à l’obtention ou à l’octroi d’un prêt usuraire ou d’un prêt qui deviendrait usuraire au sens de l’article L. 313-3 du fait de son concours est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 45 000 euros ou de l’une de ces deux peines seulement ».

La prescription du délit d’usure est de trois années (article 8 du Code de procédure pénale), ce délai courant à compter du jour où est constatée la dernière perception en capital et intérêt au titre du prêt usuraire et non de la date de la clôture de compte courant et de l’apurement du solde (Cass. crim., 26 sept. 1996, n° 95-85463, Bull. crim., n° 337).

Sanction civile de l’usure

Pour autant qu’un prêt soit assorti d’un intérêt au taux usuraire cela ne saurait entrainer la nullité du prêt. Toutefois, un taux usuraire sera sanctionné par la restitution des sommes indûment perçues par l’établissement de crédit. Le montant de ce remboursement s’imputera de plein droit sur les intérêts normaux légitimement échus et subsidiairement sur le capital de la créance (article L. 313-4 du Code de la consommation).

Par Maître Thomas Canfin, Docteur en droit, Avocat d’affaires associé au Barreau de Nice, Spécialiste en droit bancaire et boursier, Spécialiste en Droit commercial, des affaires et de la concurrence.

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