L’usage du chèque bancaire
L’usage du chèque bancaire
Section 1 : La circulation du chèque
Excepté le fait que le chèque est transmis à une banque pour encaissement, il n’a pas vocation à circuler aussi librement qu’un titre à terme comme la lettre de change. Il peut toutefois être endossé, faire l’objet d’une cession de créance ou d’une tradition.
§ 1 – La cession de créance
Conformément aux dispositions de l’article 1690 du code civil le chèque peut être transmis par cession de créance. En pratique, cet usage est limité.
§ 2 – La tradition
Tout chèque en blanc ou au porteur peut être transmis par tradition.
§ 3 – L’endossement
L’article L. 131-16 du Code monétaire et financier prévoit que le chèque peut être transmis par endossement ; y compris un chèque au porteur (article L. 131-23 du même code). Un tel endossement peut être exclu pour un chèque nominatif qui doit porter la mention « non a ordre » (article L. 131-6 du même code).
C’est la signature au dos du chèque par l’endosseur qui formalise l’endossement.
Section 2 : Les garanties du chèque
§ 1 – L’aval
Les articles L. 131-28 à L. 131-30 du Code monétaire et financier réglemente le cautionnement cambiaire garantissant le paiement du chèque qu’est l’aval.
Il est caractérisé par la mention « bon pour aval » ou une formule équivalente. L’avaliste s’oblige au paiement comme celui pour lequel il s’est porté garant.
§ 2 – Le visa
Aux termes de l’article L. 131-5 du Code monétaire et financier le tiré a la faculté de viser le chèque ; le visa a pour effet de constater l’existence de la provision à la date à laquelle il est donné.
§ 3 – La certification
Aux termes de l’article L. 131-14 du Code monétaire et financier :
« Tout chèque pour lequel la provision correspondante existe à la disposition du tireur doit être certifié par le tiré si le tireur ou le porteur le demande, sauf la faculté pour le tiré de remplacer ce chèque par un chèque émis dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 131-7.
La provision du chèque certifié reste, sous la responsabilité du tiré, bloquée au profit du porteur jusqu’au terme du délai de présentation fixé par l’article L. 131-32 ».
En pratique, le mécanisme de certification constate la constitution de la provision à la date où la certification est donnée et oblige le tiré à bloquer cette provision au profit du porteur du chèque.
Toutefois, la durée de cette garantie afférente à l’effectivité et au blocage de la provision n’est que de huit jours, délai au-delà duquel le chèque redevient un chèque ordinaire.
§ 4 – Le chèque de banque
Le succès pratique du chèque de banque n’est plus à démontrer.
Selon une réponse ministérielle, le chèque de banque est un chèque tiré par une banque sur ses propres caisses ou sur un compte tenu dans un autre établissement. Il est autorisé par la loi sous réserve de ne pas être au porteur.
Un tel chèque offre l’assurance au porteur d’être payé puisque la provision existe de fait. Il convient juste qu’il présente son chèque au paiement dans les délais légaux requis, soit un an et huit jours, en application des dispositions combinées des articles L. 131-32 et L. 131-59 du Code monétaire et financier, comme développé ci-dessous.
Section 3 : La présentation et le paiement du chèque
Si le bénéficiaire d’un chèque peut se rendre au guichet du banquier du tireur pour demander le paiement il laisse en général le soin à son banquier d’effectuer cette tâche d’encaisser le chèque.
Le chèque est payable à vue et il peut être présenté à l’encaissement dès le jour de son émission, même dans l’hypothèse où celui-ci aurait été postdaté.
Le délai de présentation du chèque a été fixé par l’article L. 131-32 du Code monétaire et financier à huit jours, le point de départ étant la date d’émission portée sur le chèque.
Toutefois, l’article L. 131-35 du même code ne sanctionne pas le non respect de ce délai de huit jours et prévoit au contraire que le banquier tiré doit payer, y compris après ce délai de présentation. Cette obligation de payer le chèque pesant sur le tiré n’expire qu’à l’issue du délai de prescription d’un an applicable aux rapports entre tireur et tiré, tel qu’en dispose l’article L. 131-59, alinéa 2 du Code monétaire et financier.
Le chèque peut donc être payé au bénéficiaire s’il est présenté au paiement dans le délai d’un an et huit jours, mais la présentation au-delà du délai de huit jours entraine toutefois la perte pour le porteur de l’ensemble de ses recours cambiaires contre les signataires antérieurs du chèque (article L. 131-47 du même code).
Le paiement du chèque est obligatoire pour le banquier tiré s’il y a une provision suffisante et s’il n’y a pas eu d’opposition, notion étudiée ci-dessous. Le banquier engage sa responsabilité s’il ne paye pas.
Toutefois, avant de payer, le banquier tiré doit procéder à nombre de vérifications s’agissant de la régularité du chèque.
Le banquier doit vérifier la régularité apparente du chèque et déceler toutes irrégularités grossières et apparentes concernant les mentions obligatoires devant figurer sur le texte et la signature du tireur dont il possède un spécimen. Le Banquier doit également vérifier la régularité du porteur et la régularité du bénéficiaire. Ces notions ont été étudiées dans une chronique précédente à laquelle nous vous renvoyons.
Section 4 : Le chèque sans provision
Le banquier tiré a le droit de ne pas payer un chèque sans provision mais il ne peut pas s’opposer au paiement par l’intervention d’un tiers sans perdre ses recours.
Lorsque la provision est partielle, le banquier tiré paye le bénéficiaire du chèque à hauteur de la provision présente sur le compte, si le porteur le demande.
Le banquier tiré doit également payer les chèques dont le montant est inférieur à quinze euros, même si la provision du compte est insuffisante.
Avant de refuser le paiement d’un chèque pour défaut de provision le banquier tiré doit informer le titulaire du compte des conséquences de ce défaut de provision. Cette information préalable doit être faite par courrier recommandé AR pour le premier incident, puis par courrier simple pour les suivants. Cette information est obligatoire, même si l’auteur du chèque n’ignore pas ou ne peut ignorer l’état de son compte bancaire.
La banquier tiré qui a refusé en tout ou partie le paiement d’un chèque sans provision établit une attestation de rejet, encore appelée avis de rejet qui indique au tireur qu’il lui est interdit d’émettre des chèques et lui précise les manières dont il peut recouvrer ce droit.
Le banquier tiré qui refuse le paiement d’un chèque pour défaut de provision doit le déclarer à la Banque de France pour une inscription du tireur titulaire du compte sur lequel l’incident est relevé au Fichier central des chèques. La Banque de France doit toujours être consultée par une banque avant l’ouverture d’un compte.
L’interdiction d’émettre des chèques dure cinq ans, mais le tireur peut régulariser sa situation à tout moment soit si lors de la représentation du chèque la provision est suffisante, soit par la restitution du chèque au tireur, soit enfin si le tireur bloque la provision sur son compte aux seules fins de payer le chèque litigieux. Notons que l’effacement d’une créance dans le cadre d’une procédure de surendettement des particuliers vaut régularisation de l’incident de paiement.
Si le tireur régularise sa situation il se voit remettre un certificat de régularisation. Toutefois, à défaut de régularisation dans le délai de trente jours le porteur peut demander à la banque tirée la délivrance d’un certificat de non-paiement, qui lui permettra ensuite d’obtenir un titre exécutoire. Ce certificat de non-paiement est délivré d’office par la banque tirée sur seconde présentation infructueuse du chèque.
Le banquier tiré doit informer la Banque de France dans les deux jours de la justification de la régularisation. Par suite, la Banque de France devra informer de cette régularisation tous les banquiers de la personne ayant été frappée d’interdiction d’émettre des chèques dans les deux jours de la réception de l’avis de régularisation.
Un recours devant la Banque de France est ouvert au tireur du chèque titulaire du compte insuffisamment provisionné dans toutes les hypothèses où le refus de paiement ou l’établissement de l’avis de non paiement résultent d’une erreur. L’assistance d’un avocat spécialiste en droit bancaire est souhaitable pour utilement faire valoir ses droits. Ce recours devant la Banque de France est également possible lorsque le chèque a été tiré par une personne non habilitée à le faire, comme un voleur par exemple.
Notons enfin qu’il existe un fort contentieux déféré aux juridictions civiles en matière d’interdiction d’émettre des chèques et en matière de pénalités libératoires pour lequel l’assistance d’un avocat spécialisé en droit bancaire s’avère là encore très judicieuse.
Section 5 : L’opposition au paiement du chèque
Aux termes des dispositions de l’article L. 131-35 du Code monétaire et financier, l’opposition au paiement du chèque n’est admise qu’en cas :
- de perte,
- de vol ou d’utilisation frauduleuse du chèque,
- de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires du porteur.
Pour ce faire, le tireur doit immédiatement confirmer son opposition par écrit, quel que soit le support de cet écrit.
Cette liste est limitative. Il n’est pas possible pour le tireur de revenir sur sa volonté de payer en décidant finalement de faire opposition au chèque. L’usage non légalement justifié de l’opposition au paiement d’un chèque expose son auteur à des sanctions pénales.
Dans les cas d’opposition prévus par la loi le banquier n’a pas à vérifier la véracité des raisons de l’opposition et n’a pas à payer. Lorsque le tireur fait opposition pour une autre cause que celles visées ci-dessus, il est possible d’en solliciter la mainlevée auprès du juge des référés, même si le juge du fond est déjà saisi (article L. 131-35, alinéa 4 du Code monétaire et financier).
L’opposition a pour effet immédiat de révoquer le mandat de payer le chèque au banquier donné par le titulaire du compte. Cela a également pour conséquence immédiate de bloquer la provision y afférente jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la validité de l’opposition.
Toutes les fois que le bénéficiaire du chèque auquel le tireur fait opposition n’aura pas demandé la mainlevée de l’opposition le banquier tiré retrouvera le droit de mettre fin au blocage de la provision à l’expiration du délai de prescription du chèque, qui est d’un an.
Section 6 : La perte, le vol ou la falsification du chèque
Un chèque qui serait établi par un auteur à partir d’une formule de chèque perdue, par un voleur ou par un faussaire est assurément nul et le porteur ne peut en exiger le paiement.
Par Maître Thomas Canfin, Docteur en droit, Avocat d’affaires associé au Barreau de Nice, Spécialiste en droit bancaire et boursier, Spécialiste en Droit commercial, des affaires et de la concurrence.